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Leur combat contre le fascisme de 1933 à 1945

Comme beaucoup d’autres communistes néerlandais, les quatre frères Kloostra et trois de leurs beaux-frères furent victimes d’une opération anticommuniste. Elle commença en janvier 1923 et se poursuivit sur ordre du maire après la reddition des Pays-Bas en mai 1940. L’opération de 1923 faisait partie des activités du service de renseignement de la police secrète néerlandaise qui débutèrent fin 1917.

Partie 2: La lutte contre le communisme

 
Par Mario Kloostra et Rudi Harthoorn/Édition de traduction par Françoise Bertrand

La Commission internationale de police criminelle

En 1922, la Commission internationale de police criminelle (CIPC) fut fondée. Un certain nombre de pays européens avaient participé à sa création (l’CIPC était le prédécesseur d’Interpol). Le principal objectif de l’CIPC était la lutte contre le communisme, à laquelle les services secrets des polices des pays participants travaillaient ensemble.

La lutte contre le communisme: Karel Henri Broekhoff. À partir de 1923, il a préparé l'assassinat de centaines de combattants néerlandais de la résistance communiste.

Karel Henri Broekhoff

Broekhoff était le représentant des Pays-Bas. Il avait été convenu que les partis communistes devraient être infiltrés. Broekhoff organisa cette infiltration dans un certain nombre de villes néerlandaises. Infiltré à La Haye, Johannes Hubertus van Soolingen était le plus connu.

Collaboration avec la Gestapo

Van Soolingen donna aux services secrets de la police de nombreux noms de communistes. Le ministre de la Justice des Pays-Bas chargea Broekhoff de commencer à travailler avec la Gestapo au bureau principal de la sécurité du Reich à Berlin. La collaboration débuta en janvier 1935 [1]. Il travailla entre autres avec Heinrich Müller. À partir de 1939, celui-ci devint responsable de tous les camps de concentration, y compris du gazage des Juifs. Il est responsable d’environ quatre millions de d’assassinats. Heinrich Müller était l’un des plus grands meurtriers de masse du 20e siècle.

Heinrich Müller, de la Gestapo de Berlin; il fut, dès janvier 1935, impliqué dans la lutte contre les communistes néerlandais

Heinrich Müller

Broekhoff travailla également avec Bruno Friedrich Wolff, qui devint responsable de la lutte contre le communisme à La Haye à partir de mai 1940, mais qui joua également un rôle de premier plan dans le reste des Pays-Bas. En raison de cette collaboration, les services secrets néerlandais envoyèrent à deux reprises à la Gestapo, en 1936 et 1939, une liste de communistes néerlandais actifs. C’est de cette manière que la Gestapo apprit l’existence de Tjerk Kloostra. Ces listes ont entraîné la mort de centaines de communistes néerlandais.

Activités anticommunistes pendant l’occupation

En 1938, le ministre néerlandais de la Justice ordonna à la police, y compris aux services secrets de la police, de poursuivre leurs activités en cas d’occupation allemande des Pays-Bas [2]. Ce fut la cause de la mort d’un millier de communistes néerlandais et de l’emprisonnement d’un millier d’autres dans des camps de concentration.

La lutte contre le communisme: Salomon Jean René de Monchy, le maire de La Haye, décembre 1943

Salomon Jean René de MonchyPolygoon Hollands NieuwsLicence

Le 15 mai 1940, le jour où l’armée néerlandaise se rendit aux forces allemandes, le maire de La Haye Salomon Jean René de Monchy ordonna à la police secrète de la ville de poursuivre ses activités [3].

Van Soolingen fut donc contacté et chargé de poursuivre son infiltration du parti communiste, qui s’était transformé en une organisation de résistance illégale [4]. Cette infiltration coûta la vie à une centaine de communistes de la région de La Haye (Leiden-Delft) et à 40 communistes de la région de Rotterdam. Un nombre comparable dut passer de longues périodes d’emprisonnement dans des camps de concentration. On a pu retracer quatre vagues d’arrestation, causées par les activités de Van Soolingen entre 1941 et 1945 [5].

La première vague d’arrestations

La première opération commenca le 28 avril 1941 avec l’arrestation de quatre communistes par le Service de sécurité. On voulait ainsi empêcher la distribution de tracts pour le 1er mai. Immédiatement, un rapport fut envoyé à Berlin, indiquant que 40 autres arrestations étaient attendues – ce qui montre la quantité d’informations fournies par Van Soolingen. Grace à ces informations et celles obtenues au cours d’ interrogatoires sous la torture entre avril et novembre 1941, plus de 150 communistes furent arrêtés par des équipes conjointes du Service de sécurité et du Service de renseignement de la police néerlandaise.

Les membres du Service de sécurité, du Service de renseignement de la police néerlandaise et un informateur d’avant-guerre du Service de renseignement de la police eurent également recours à la torture. Cinquante-sept résistants torturés moururent. Parmi les personnes arrêtées, 49 résistants passèrent une partie de leur peine d’emprisonnement à Dachau [6].

Les membres de la famille Kloostra qui furent arrêtés, étaient Jan Kloostra, Fred Donderwinkel et Cor Rademaker, qui mourut en 1942 au camp de concentration de Groß Rosen.

Entrée du camp de concentration de Groß Rosen, 2007

Entrée du camp de concentration de Groß Rosen, 2007Jacques LahitteLicence

Le 25 juin 1941, en réponse à l’invasion allemande de l’Union soviétique, leur beau-frère, Frans van den Berg, fut arrêté par le service de renseignement de la police. Il fut traité de la même manière que ceux arrêtés à la suite de l’infiltration du réseau. Certains échappèrent à l’arrestation parce qu’ils purent se cacher, entre autres y compris Reinder Kloostra et Willy Donderwinkel (belle-famille) – ils ne furent arrêtés que beaucoup plus tard.

Le 2 septembre 1942, Herman Holstege, qui avait été arrêté, fut torturé à mort par les services de sécurité et un membre des services secrets de la police néerlandaise dans la prison de Scheveningen. Ses appels à l’aide émurent nombre de ceux qui les entendirent.

Prison de Scheveningen à La Haye, surnommée Oranjehotel (L'hôtel Orange)

Prison de Scheveningen à La Haye, surnommée Oranjehotel (L’hôtel Orange)Arjan de Jager KleinLicence

Bien qu’il semblerait que Holstege n’ait fourni que de fausses informations, deux de ses plus proches collaborateurs furent été arrêtés à Rotterdam au cours des deux jours suivants. Selon les informations obtenues grâce aux perquisitions à domicile et à la torture, environ 180 personnes furent arrêtées, dont 47 moururent. 13 personnes partirent pour Dachau [7].

La deuxième vague d’arrestations

La deuxième vague d’arrestations eut lieu en mai 1942, principalement à Delft. Environ 80 communistes furent arrêtés, 7 d’entre eux moururent – deux furent exécutés et cinq ne survécurent pas au camp de concentration. La plupart de ceux qui avaient été arrêtés furent libérés, une vingtaine fut envoyée en camp de concentration, dont deux à Dachau [8].

Entrée au camp de concentration de Dachau

Entrée au camp de concentration de DachauRennett StoweLicence

La troisième vague d’arrestations

La troisième vague d’arrestations commença en décembre 1942. La direction de la résistance communiste à La Haye tomba en effet dans un piège tendu par les services secrets néerlandais avec l’aide de Van Soolingen. Plus de 40 personnes furent arrêtées. Parmi celles-ci, 15 moururent – sept furent exécutées, sept périrent dans un camp de concentration et un – Tjerk Kloostra – reçut une balle dans la tête après un échange de tirs avec la police néerlandaise. Parmi les personnes arrêtées, neuf se retrouvèrent à Dachau. Parmi elles, il y avait Johan Kloostra et son beau-frère Willy Donderwinkel [9].

La quatrième vague d’arrestations

La quatrième vague d’arrestations eut lieu le 9 mars 1945. Quatre personnes furent arrêtées et trois exécutées le 12 mars. Une survécut, une femme; elle fut libérée un mois plus tard. Elle avait eu un contact direct avec Van Soolingen. Au cours de ses interrogatoires, un membre des services secrets néerlandais révéla accidentellement des informations qui lui firent comprendre que Van Soolingen était un informateur des services secrets de la police. En raison de sa vigilance, toute l’histoire put être reconstituée après la guerre.

Les séquelles

Après la guerre, on donna à une grande place de La Haye le nom du maire De Monchy, responsable de la mort d’au moins 130 résistants communistes.

Les historiens néerlandais n’ont jamais examiné attentivement le sort des résistants communistes.

Il y a des indices qui font penser que l’infiltration à La Haye, qui avait commencé en 1923 et s’était poursuivie pendant toute l’occupation allemande, a également eu lieu dans d’autres régions des Pays-Bas. On pense que le nombre total de décès dus à cette persécution politique se chiffre par milliers. Mais les autorités néerlandaises se sont davantage engagées dans la lutte contre la résistance communiste dirigée contre les Allemands. Le nombre total de ces décès est d’environ deux mille, soit environ les deux tiers de toutes les victimes communistes.


Références et notes:

[1] Rapport sur la réunion des 4 et 5 janvier 1935 entre Broekhoff et les membres du département de lutte contre le communisme du RSHA à Berlin, Collectie Moskou, NIOD, Amsterdam.

[2] “Circulaire” du ministre de la justice Goseling aux maires des Pays-Bas, ministère de la justice, Dep. A.S., n° 2350 Zeer Geheim (Très secret), 25-4-1938.

[3] “Mededelingen van het hoofdcommissariaat” (Avis du commissaire en chef) n° 271, 15.5.1940, PA, n° 432, Inv. n° 546, HGA. La déclaration mentionne que le Service de renseignement reste inchangé et sera placé sous l’autorité du Commissariat de la police des mœurs, ce qui implique que le Service de renseignement doit continuer à fonctionner. Une telle réorganisation nécessite l’approbation du maire, qui est le chef de la police.

[4] Biographie de Johannes Hubertus van Soolingen dans son dossier de grâce, Archives nationales. Dans sa biographie, il avoue qu’il a infiltré le KPN de La Haye dès janvier 1923 sur ordre du service de renseignement et mentionne que ce dernier l’a contacté quelques semaines après l’invasion allemande pour lui demander de poursuivre l’infiltration.

[5] Déclaration de Christiaan van Spronsen, ancien prisonnier de Dachau, dans sa demande de pension de résistant en 1979, selon laquelle Van Soolingen faisait partie de son groupe de résistance, Stichting (Fondation) 1940-1945, en 1941. Communication confidentielle sur le KPN illégal à La Haye” de Johannes Hubertus Veefkind, selon laquelle Van Soolingen l’avait informé qu’un groupe de communistes était actif à Delft, Archives centrales, procédure pénale spéciale (CABR) 107, dossier Veefkind, Archives nationales. En conséquence de cette deuxième infiltration, 75 arrestations eurent lieu, dont 7 aboutirent à un décès. Dans le même dossier, Veefkind rapporte que van Soolingen l’avait informé qu’il avait de nouveau infiltré le KPN. Il s’est avéré que c’était avec Johannes Philippus Bronkhorst (ancien prisonnier de Dachau). Cette troisième infiltration entraîna plus de 50 arrestations et une trentaine de morts par l’infiltration du leader de la résistance communiste juive, Jacob Boekman. Les témoignages des agents de renseignement Cornelis Bakker, Cornelis Heijnis et Jilis van der Waard, respectivement CABR 71245, 431 et 308, montrent comment Van Soolingen a attiré Boekman dans un piège. Fin 1944, Van Soolingen a de nouveau infiltré le KPN, ce qui a donné lieu à trois fusillades. Confession de Van Soolingen dans ses dossiers à la CABR, dossiers 76478 et 91269.

[6] Les personnes arrêtées lors de la première opération d’infiltration qui passèrent une partie de leur incarcération à Dachau sont: Hendricus Arendse, Martinus van Beek, Balt de Buijzer, Johannes Bronkhorst, Hendrik Küchenchef, Krijn Küchenchef, Cornelis Compter, Johannes van Driel Johannes Duhen, Carel Duran, Johannes Gisolf, Niucolaas de Goede, Letho van Gool, Gerrit Guit, Albert de Haas, Willem Harthoorn, Hendrik Holstein, Bernardus Huisman, Simon de Jong, Jan Keuvelaar, Jan Kloostra, Evert van Kommer, Teunis van der Kroft, Johannes Kuiper, Jacobus Lezwijn, Jan Lepelaar, Jacobus Marijt, Johannes Montfoort, Cornelis Neven, Johannes Onvlee, Maarten Oort, Franziskus van Ophem, Henricus Paalvast, Bastiaan van Pouderoijen, Frederik van Sandwijk, Markus Schmaal, Cornelis Simonia Spronsen, Franziskus van der Stal, Cornelis van Staveren, Johannes Teske, Willem Theil, Leendert Vogel, Paulus van Wandelen, Hendrik van Welzen, Nicolaas Wijnen, Frederik Willems, Simon Wolff, Alexander van Wouw.

[7] Les personnes arrêtées qui passèrent une partie de leur emprisonnement à Dachau en raison des tortures infligées par Herman Holstege sont: Gerrit Bom, Arie Donker, Johannes van Dooren, Dirk Keiser, Frederik Kok, Jacobus Mackaij, Casparus Markenstein, Pieter van der Ster, Cornelis Tazelaar, Hendrikus Toor, Rederik Urbanus, Gerardus Vleugels, Adrianus Wijngaard.

[8] Les personnes arrêtées de la deuxième action d’infiltration qui passèrent une partie de leur emprisonnement à Dachau sont: Hendrik Bosch et Gerard van der Lee.

[9] Les personnes arrêtées suite à la troisième action d’infiltration qui ont passé une partie de leur emprisonnement à Dachau sont : Jacob Bijl, Evert Brand, Willem Herder, Lodewijk Jansen, Rokus Kleingeld, Johan Kloostra, Gijsbert van Münster, Wilhelmus de Vries.


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